Vous ne devinerez jamais

Vous ne devinerez jamais

Devinette n°7

Celui que l’on cherche aujourd’hui n’est pas de ces choses qui existent pour le plaisir, l’esthétique, le futile, la beauté du geste ou l’amour du beau. Il a été créé parce que les Hommes d’hier en avaient besoin. Et parce que ceux d’aujourd’hui aiment la vie, ils l’ont également intégré à leur quotidien. Un quotidien fait de risques, d’incidents ou d’erreurs, qui méritent parfois, ou disons plutôt toujours, qu’on mette tous les moyens de notre côté pour les éviter. Ou, plus précisément et plus lucidement, pour éviter les conséquences ou leur gravité. C’est qu’on ne peut pas tout empêcher, dans cette vie qui nous est donnée. Tout serait beaucoup trop simple, beaucoup trop beau. Il n’y aurait plus de drames pour alimenter les livres, les films et les journaux. Le bonheur aurait peut-être même moins de saveur. Il est certainement plus facile d’apprécier les bons moments lorsque ceux-ci ne sont pas légion. Il s’agit-là, nous vous l’accordons, une façon de voir le verre à moitié plein lorsqu’il serait facile de le voir complètement vide. Bref, passons, revenons à nos moutons.

Si celui qui l’on cherche est partout, nombreux sont ceux qui n’ont jamais vraiment eu à l’utiliser. Il existe pour des profils spécifiques, parfois même des disciplines particulières, voire même des métiers. Il est souvent obligatoire, toujours conseillé. Il peut être noir, rouge, blanc, jaune, brillant. Il peut être petit ou grand, simple ou design. Bienvenue au XXIème siècle, dans cette ère où l’apparence est reine. Dans cette ère où l’esthétique ne concerne plus seulement les œuvres d’art ou les pièces de mode mais tout ce qui nous entoure. Ainsi l’utile est-il aujourd’hui aussi bien guidé par la science, l’ingénierie et l’intelligence que par le bon (ou mauvais goût), l’amour du beau, du cool ou du tendance. Si l’on se moquait pas mal de ce à quoi pouvait ressemblait celui que l’on cherche hier, il passe aujourd’hui régulièrement entre les mains d’esthètes ou de designers avides de customisation aujourd’hui. Ou comment joindre l’utile à l’agréable. Néanmoins, n’exagérons rien. Il n’y a, en fait, qu’un réel contexte dans lequel ce souci de l’apparence et cette volonté d’être complimenté est possible. Parce que les situations dans lesquelles notre objet est utilisé ne sont attachées à aucune règle sinon à celle de le posséder. Une fois cet impératif intégré, libre à celui qui le respecte de choisir la version de l’objet qu’il préfère. Noir ou blanc, coloré ou imprimé, il existe aujourd’hui une multitude de choix que les gens d’hier n’avaient pas. Ceux-là sont néanmoins régulièrement honorés par les gens d’aujourd’hui, voyant dans les modèles d’antan de quoi honorer la tendance et le style. On ne sait pas vraiment qui a mis la nostalgie au goût du jour, mais celui-là a bien réussi son coup. Du vintage, du rétro, du 50’s, du 90’s, faut-il que nous soyons si peu inventif de nos jours pour avoir besoin d’aller piocher dans les dressings et cahiers des charges des anciens ? Ou est-ce juste le cycle de la vie qui fait tourner la roue et les goûts ? Penchons pour la deuxième solution et arrêtons de nous égarer. Nous avons un objet très important pour notre société à vous faire deviner.

Il y a plusieurs centaines d’années, peu nombreux étaient ceux qui avaient à le posséder. Ces hommes - parce que les femmes n’étaient pas concernées par le sujet dont nous parlons ici – ne se servaient pas de notre inconnu du jour pour les mêmes raisons que les hommes et femmes d’aujourd’hui. Ou plutôt, si, soyons précis. Ils s’en servaient pour le même principe, pour la même fonction, mais dans un contexte qu’il serait impossible d’imaginer sous cette forme désormais. Si l’on précise « sous cette forme », c’est parce que ce qu’ils faisaient au XVème siècle, les Hommes, avec un grand H, le font toujours aujourd’hui. Justement parce qu’ils sont humains, souvent bêtes, parfois impulsifs et inconscients, et que certains préfèrent parfois sortir leurs crocs à l’idée de discuter. Parce que ça ne changera jamais, revenons-en à ceux qui vivaient il y a de ça plusieurs siècles. Ceux-là, contrairement à nous, n’avaient pas franchement le choix des armes. Si l’objet que nous cherchons n’adoptait pas toujours la même forme selon la personne à laquelle il appartenait, les possibilités de le voir s’habiller de couleurs et d’artifices étaient nulles à l’époque. Dans le fer, c’étaient, à la rigueur, les gravures qui pouvaient différencier les modèles pour en faire des objets simplement utiles ou un peu plus prestigieux. Question de statut, de hiérarchie, de pouvoir. Sur l’objet tel qu’on le connait dans sa forme la plus courante aujourd’hui, il peut également être question d’argent mais jamais Ô grand jamais – espérons-le, le compte en banque ne devrait interférer sur son efficacité. Question de vie ou de blessures. Question de vie ou de mort. Ceux qui s’occupent de descendre les chatons des arbres ou de déverser des litres d’eau sur les formes rouge-orange qui rongent parfois les maisons, immeubles et forêts n’ont pas ce problème. Dans ce contexte, l’objet que nous cherchons est le même pour tous. Parce qu’ici le bon goût n’a pas sa place. Seules les facultés techniques méritent d’être travaillées. C’est ainsi que ceux qui les portent sauvent des vies et préservent la leur. C’est ainsi que celui que nous cherchons, mot à priori banal, est devenu l’un des objets les plus importants qui aient jamais été créés. Pour une chose que l’on voit tous les jours dans la rue, sur les routes, au cinéma, à la télé, sous les chaises ou les tables, voilà une donnée peu banale. Et pourtant, l’Etat ne cesse de rappeler la valeur de celui que nous cherchons. Malgré les pleurs, malgré les affiches, malgré les spots, les inconscients persistent et signent leur bêtise. Malheureusement porter celui que nous cherchons n’évite pas toujours les drames. Notre objet est bien fait, pas le monde.

Mais finissons sur une note positive. Parce qu’il en est un qui porte le même nom que celui que nous venons de décrire, mais qui n’a pourtant rien à voir avec lui. Le seul point commun qui lie alors ces deux là a deux yeux, un nez et une bouche. Pour cette deuxième version de notre inconnu du jour, l’utilité est étroitement liée au plaisir. Au plaisir de s’évader, de se couper du monde, du grondement du métro, du ronronnement des voitures, des enfants qui pleurent, des gens qui parlent trop fort. Au plaisir de se souvenir des bons moments, de laisser les sons entrer dans nos oreilles, nos têtes et nos cœurs. Au plaisir d’honorer les belles voix, les belles mélodies, les beaux textes, le rap, le rock, le jazz, le blues, l’électro, le funk, la house et tous ces genres qui aujourd’hui se mêlent et s’entremêlent pour mieux créer de nouvelles chansons hybrides, de nouvelles sonorités et enrichir la culture et l’histoire. Au plaisir d’honorer la musique, deux cercles mousseux sur les oreilles. Ainsi, lorsqu’il ne nous protège pas des chocs, des épées, des lances ou du feu, celui que nous cherchons nous donne le sourire ou nous fait pleurer, nous rend mélancolique ou heureux, nous endort ou nous donne envie de danser. Cette deuxième version de notre objet est-elle vraiment moins utile que la première ? Dans les faits et la logique, oui, très certainement. Mais parce que nous cherchons autant à rester en vie qu’à être heureux, notre inconnu bis et la musique qu’il fait vivre a comme l’autre sa place dans la grande famille des indispensables de notre société.

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