FORTUNE COOKIE WRITER
Il y a des jours comme ça, où on se lève du pied gauche, où on aime se plaindre de tout, à tort ou à raison. Mais il existe, tout autour de nous, des gens qui exercent des métiers du quotidien, des emplois difficiles, sans même que vous en ayez conscience. Comme Fortune Cookie Writer. Ou bien, dit en français, auteur pour biscuits chinois. Des auteurs qui n’en sont pas vraiment, ne peuvent laisser libre cours à leur imagination, et surtout, restent totalement anonymes. Mais d’abord, un peu d’histoire.
Il vous faut d’abord affronter la triste réalité : le biscuit chinois n’est pas chinois. Navré de vous décevoir, mais la traduction anglaise est bien plus proche de la réalité : des fortunes cookies, comprendre, des biscuits de la fortune, dont le petit mot caché à l’intérieur doit vous prédire bonne, ou mauvaise fortune. En fait, le fortune cookie originel est né au Japon, plus précisément à Kyoto, à la fin du XIXème siècle. S’il était différent de celui qu’on connaît aujourd’hui, tant par la forme que la texture et l’emplacement du petit papier (situé sur le biscuit et non pas à l’intérieur), le principe reste le même : un gâteau, une phrase.
On raconte que le fortune cookie fut introduit aux Etats-Unis, où il trouva sa popularité, par Makoto Hagiwara, un architecte de Golden Gate Park, créateur entre autres du Japanese Tea Garden. Il serait la toute première personne à avoir importé les fortune cookies aux Etats-Unis, un titre que certains n’hésitent pas à lui contester, ce qui mènera d’ailleurs à un procès. En 2018, plusieurs théories continuent de s’affronter concernant le nom du vrai inventeur du biscuit chinois moderne, un débat dans lequel nous n’entrerons pas. Un chiffre est en tout cas certain : pas moins de trois milliards de fortunes cookies sont fabriqués chaque année dans le monde entier. C’est beaucoup. Le site La Presse raconte la suite de cette histoire : “La popularité des biscuits chinois aurait décollé après la Seconde Guerre mondiale. À ce moment-là, des milliers de G.I. américains qui avaient servi en Asie auraient transité via la Californie avec un goût marqué pour la cuisine asiatique. Sur la Côte ouest, ils auraient ainsi goûté à ces petits biscuits et auraient stimulé la demande de biscuits dans tous les restaurants chinois à travers l'Amérique”.
L'aphorisme est une phrase, courte, énoncée en peu de mots, qui résume un principe ou cherche à caractériser un mot, une situation sous un aspect singulier. Voilà pour la définition. Des aphorismes, voilà ce que vous devriez écrire chaque minute de chaque heure de chaque jour, si vous étiez Fortune Cookie Writer. Quelques exemples ? “Point n'est besoin d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer”, un bien bel aphorisme signé Charles le Téméraire, ou encore “Science sans conscience n'est que ruine de l'âme”, de Rabelais. Certains aphorismes sont particulièrement célèbres : “N’acceptez jamais la défaite, vous êtes peut-être à un pas de la réussite” (Jack E. Addington), “Si la parole que tu vas dire n’est pas plus belle que le silence, ne la dis pas” (Proverbe Soufi), ou encore “Je peux résister à tout, sauf à la tentation” (Oscar Wilde). Car oui, être Fortune Cookie Writer, c’est pas mal reproduire les créations d’autres auteurs.
Mais pour peu que vous trouviez votre place au sein d’un pôle d’auteurs, alors sachez que, comme on peut le lire sur le site du magazine Neon, “en tant que freelance, on est payé à l’heure ou à la commande, et il faut compter entre 10 à 40 euros de l’heure. Si par contre, vous êtes employé à temps plein et que vous passez vos journées à écrire, vous pourrez gagner entre 25 000 et 50 000 euros par an aux États-Unis. En France, il n’existe pas encore d’auteur de phrases de gâteaux de la chance. Si toutefois, vous voulez changer de carrière professionnelle, il faudra partir aux États-Unis, là où se trouvent les 5 plus grosses entreprises de fortune cookies : Peking Noodle (Los Angeles), Tsue Chong Co. (Seattle), Keefer Court Food (Minneapolis), et Sunrise Fortune Cookie (Philadelphie)”. Dans un article du New Yorker paru en 2005, Donald Lau, ancien vice-président de Wonton Food Inc, l’un des leaders du secteur avec plus de 5 millions de fortune cookies fabriqués chaque jour, racontait qu’il trouvait son inspiration absolument partout : dans les livres, dans le métro, dans ses discussions avec des potes...
Alors, arrêtez de vous plaindre. Car vous pourriez, jour après jour, écrire encore et encore des petites phrases qui ne font pas toujours sens, pour des petits biscuits pas vraiment bons, qui ne sont pas vraiment chinois. Ces petites phrases, elles ne sont pas vraiment les vôtres, et même si elles naissent de la création de votre esprit, personne ne le saura jamais, puisque ces petits aphorismes ne sont pas signés.
Alors, souriez, vous pourriez être Fortune Cookie Writer, ou auteur pour biscuits chinois.