POURQUOI LES AVOCATS PORTENT-ILS UNE ROBE ?
La scène est connue, on espère pour vous davantage grâce à la télévision et au cinéma qu’à cause de vrais moments de vie. Mais tout le monde le sait, tout le monde a l’image en tête : les avocats et les avocates portent des robes. Et pas n’importe lesquelles. Mais pourquoi, et depuis quand ? Pas de panique, on vous dit tout.
Les médecins ont une blouse, les plombiers ont leur salopette, les journalistes leur café à la main, les hôtesses de l’air leur uniforme, les pompiers leur combinaison, les chefs leur toque… Bref, nombreuses sont les professions à avoir un costume professionnel, mais aucun d’aussi intriguant que cette robe d’avocat, noire et blanche la plupart du temps. Une tenue dont le port est rendu obligatoire par la loi 71-1130 du 31 décembre 1971. Mais qui trouve ses origines il y a bien plus longtemps. A l’origine, les avocats n’étaient pas avocats de profession, mais des ecclésiastiques. La robe noire est un héritage de leur soutane religieuse. Elle tire donc son origine du costume des frères clercs dont les avocats parisiens avaient le rang après avoir étudié le droit. De plus, une tenue unique garantit, au moins en apparence, l’égalité des hommes et des femmes au sein du Barreau, et donc l’égalité de tous face à la justice. Il en est de même dans d’autres pays comme la Belgique ou encore l’Italie. Pour les barristers d’Angleterre, en 2009, il était encore obligatoire de porter une toge mais également une perruque (cette dernière n’étant plus obligatoire). Aux États-Unis, un avocat se présente lui en costume de ville.
“Je jure, comme avocat, d'exercer mes fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité”. C’est par ces mots que les avocats et avocates de notre pays prêtent serment. Et avec ce serment, vient l’obligation de porter l’uniforme officiel. Durant les cérémonies, la tenue peut d’ailleurs être complétée par un nœud papillon, des gants et même une toque (et non, les avocats ne sont pas nus dessous, ne rêvez pas). Si, comme écrit plus haut, cette pratique ne fut pas codifiée avant les années 70, elle date pourtant du XIIIe siècle. Comme l’explique Le Point, “à l'époque, la justice est de droit divin et les avocats se composent essentiellement de membres du clergé qui plaident habillés de leur soutane. La présence de 33 boutons, qui représentent l'âge du Christ à sa mort, témoigne également de ce passé ecclésiastique”’.
A l’époque, la justice était donc rendue uniquement par le roi. En déléguant ce pouvoir à des nobles, les souverains du Moyen Age leur ont alors fait porter les mêmes vêtements qu’eux, des manteaux rouges symbolisant l’héritage des rois francs. Et Le Point d’ajouter : “Aujourd'hui dissocié de ce passé clérical, le port de la robe souligne l'autorité qui s'attache au service de la justice. La robe permet dans le même temps d'offrir une égalité d'apparence entre les avocats”. Avec cette importante précision : il est formellement interdit de rentrer chez soi avec, de recevoir un client en la portant, bref, de la sortir en dehors du cadre très précis fixé par le Barreau : dans l’enceinte d’un tribunal, ou dans des situations exceptionnelles, comme une prestation de serment ou l’enterrement d’un confrère.
Mais il n’y a pas que la robe, ou plutôt la toge, qui fasse partie de la tenue traditionnelle de l’avocat. Il faut y ajouter l’épitoge, qui, comme son nom l’indique, se porte par-dessus la toge. Il s’agit tout simplement d’une bande de tissu semblable à une écharpe, et qui se porte sur l’épaule gauche. Elle répond elle aussi à un certain nombre de codes. Les avocats et les magistrats du tribunal de grande instance doivent porter une épitoge herminée de couleur noire, c’est précis. Les magistrats des cours d'appel et de la Cour de cassation, eux, portent une épitoge rouge, et leur toge peut elle aussi être de couleur rouge. Pour les magistrats, la loi prévoit en plus le port d’une toque ainsi que la ceinture et des gants blancs pour toutes les audiences solennelles, exception faite des cours d’assises. Aujourd’hui la toque n’est plus utilisée et ce nom a été donné à la boîte aux lettres dans laquelle l’avocat reçoit son courrier.
Reste une question que personne ne se pose, jamais, mais que nous avons posé tout de même : cette toge est-elle confortable ? La réponse est oui. Et non. Charlotte, jeune avocate du droit des familles depuis trois ans, nous raconte : “Il y a un vrai sentiment de solennité quand tu la portes pour la première fois, tu as vraiment le ressenti de l’importance de ton métier, de tes devoirs. Est-ce que la toge est confortable ? Oui, au début. Elle n’est pas rêche, elle te couvre le corps, tu te sens enveloppée, à l’abri presque. Et cela te donne un air assez majestueux. En revanche, lors d’une plaidoirie, quand tu es en difficulté, tu peux tout de suite te sentir à l’étroit, étouffée, perdre tes moyens, sentir les gouttes de sueur couler le long de ton dos, et très vite, cette toge t’oppresse. Donc si elle est confortable ? Oui, et non”.
Voilà, vous savez, mais vous ne savez pas encore tout. Permettez-nous de partager avec vous la théorie de l’immense Sacha Guitry, qui déclara : « Les avocats portent une robe, pour savoir mentir comme les femmes ».